La PI en Chine, anticipation et adaptation : les maîtres mots d’un relais de croissance majeur

L’empire du Milieu reste aujourd’hui encore le pays de tous les superlatifs et de tous les contrastes : un des pays les plus peuplés au monde avec plus d’un milliard trois cent quatre-vingt-dix-sept millions d’habitants, un PIB multiplié par 30 en 20 ans, une croissance économique annuelle moyenne de 10% pendant plusieurs décennies, avec en 2023 une prévision de croissance de l’ordre de 5,2%, des infrastructures modernes (135 000 km d’autoroutes, 12 500 km de lignes à Grande Vitesse), le 2ème budget militaire au monde, avec une armée de plus de 2.3 millions de militaires et une institution militaire qui contrôlerait plusieurs milliers d’entreprises chinoises, un revenu annuel moyen de 10.410 USD avec le développement d’une véritable classe moyenne comptant 350 à 400 millions de personnes.

Les données en matière de dépôts de brevets, modèles et marques n’échappent à ce gigantisme :

Plus de 7 millions de marques déposées en 2022

En 2022, 1 619 268 dépôts de brevets (Inventions), 2 950 653 dépôts de modèles d’utilité, 7 515 961 dépôts de marques, 794 718 dépôts de modèles en Chine.

Source CNIPA 2022

+85% de ces dépôts en brevets et +95% en marques ont été réalisés par des ressortissants chinois ou des sociétés chinoises. Il faut se réjouir de cette situation car c’est au final à la demande et avec le concours des entreprises chinoises que la législation, la pratique de l’Office chinois et la jurisprudence évoluent en termes de propriété industrielle.

Les entreprises chinoises sont les premières utilisatrices de la propriété industrielle en Chine. Elles sont toutefois actives à l’étranger, notamment en marques. En 2022, 4,991 déposants chinois ont déposé des demandes d’enregistrement de marques internationales contre, par exemple, 12,495 déposants américains, 7,695 déposants allemands et 4,403 déposants français (Source WIPO septembre 2022).

Vu de Chine, la situation dans l’Union Européenne est souvent perçue comme compliquée : des titres unitaires coexistant avec des dépôts nationaux !

Vu de France, protéger et défendre ses innovations techniques (inventions/dessins & modèles) ou ses signes distinctifs en Chine semblent relever du défi. Pourtant la Chine n’est pas un far West !

Un cadre légal récent en constante évolution

La propriété industrielle en Chine date des années 80. Il s’agit d’une histoire récente toujours en cours d’écriture. La première loi sur les brevets date de 1985, la première loi sur les marques de 1982. La Chine n’est pas une zone de non droit en matière de propriété intellectuelle. Il n’y a pas de vide juridique en ce domaine et le cadre législatif est en constante évolution.

Ainsi, par exemple, en date du 1er novembre 2019, la loi chinoise sur les marques a été modifiée afin de renforcer la lutte contre les demandes malveillantes d’enregistrement de marques. L’office chinois peut dorénavant plus facilement rejeter ces demandes notamment au stade de leur examen, dans le cadre d’une opposition ou d’une action en nullité. Il est appuyé en cela par la Cour populaire de Pékin, qui, dans une directive du 24 avril 2019, a donné des critères d’appréciation de la mauvaise foi d’un déposant (similarité des signes, distinctivité des signes, relations commerciales entre les parties, etc.).

Au cours des dernières années, les tribunaux chinois ont été plus enclins à sanctionner sévèrement la contrefaçon. Ainsi, la société américaine New Balance a obtenu gain de cause dans une affaire relative à la contrefaçon des marques chinoises NEW BALANCE (caractères latins) et « N ». Dans une décision du 5 janvier 2021, le tribunal du district de Shanghai Huangpu a condamné les sociétés New Barlun Co. Ltd et Shanghai Shiyi Trade Co. Ltd à payer des dommages et intérêts d’un montant de 25 millions de RMB (3,18 millions d’Euros) à New Balance, un des montants les plus importants accordés à un détenteur de marque sur le marché des vêtements de sport en Chine.

La Chine dispose d’un cadre législatif et judiciaire pour protéger les créations techniques ou esthétiques et les signes distinctifs. Lutter contre la contrefaçon en Chine en faisant valoir ses droits de propriété industrielle est possible, même si des difficultés persistent liées à :

  • Une absence de transparence dans l’application de la loi, ce qui n’est pas propre à la propriété industrielle ;
  • Une adoption de loi cadre dont de nombreux champs sont soumis à interprétation, avec toutefois, en propriété industrielle, des directives d’interprétation données par la Cour populaire.
  • Une réalité économique : certains pans de l’économie chinoise sont encore majoritairement contrôlés par l’Etat, directement ou indirectement. Or, agir contre l’Etat, ou contre une entreprise d’Etat est périlleux,
  • Une soumission assumée du pouvoir judiciaire au pouvoir politique.

Ces difficultés ne doivent pas avoir pour conséquence de renoncer à toute protection de ses créations ou signes distinctifs en Chine. La préparation, l’anticipation sont des éléments clés de la réussite en Chine.

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Publié le : 10 janvier 2024Catégories : PublicationMots-clés :

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