La cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit doit être qualifiée de donation, et à ce titre se conformer aux exigences propres à la matière. (Décision du TJ de Paris, 8 février 2022, No. 19/14142).
Il était ici question d’une marque et de dessins et modèles communautaires détenus par deux personnes physiques, MM. X et Z . Les droits ont été cédés en 2015 à la société A, dont M. Z est le seul associé et gérant.
Monsieur X a dénoncé, en 2018 la cession intervenue en 2015 et a assigné M. Z et la société A en nullité du contrat de cession.
Le tribunal Judiciaire de Paris a fait droit aux demandes de Monsieur X et a :
- Requalifié le contrat de cession de la marque et des dessins et modèles en donation ;
- Annulé celui-ci au motif du non-respect du formalisme imposé par l’article 931 du code civil.
En ce qui concerne la requalification en donation, celle-ci se justifie par le fait que le contrat conclu en 2015 emporte explicitement transfert de propriété de la marque et des modèles « à titre gratuit ».
S’agissant du formalisme à respecter, l’article 931 CC prévoit que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ».
La jurisprudence admet cependant deux dérogation à ce formalisme. La première est le cas des dons manuels qui imposent la remise physique de la chose donnée. La seconde concerne les donations déguisées ou indirectes dont il est admis que les conditions de forme suivent l’acte dont elles empruntent l’apparence.
Le code de la propriété intellectuelle ne prévoit aucune dérogation supplémentaire, mais uniquement que le transfert de propriété doit être constaté par écrit (article L. 714-1, alinéa 4 du CPI dans sa rédaction d’alors)
En l’occurrence, les choses cédées étant des droits incorporels et donc insusceptibles de remise physique, et l’acte de cession mentionnant clairement que le transfert de propriété de la marque et des modèles « à titre gratuit », l’acte attaqué ne pouvait bénéficier d’aucune des deux dérogations.
Le tribunal en conclu, à juste titre, qu’il s’agit donc par définition d’une donation non dissimulée et portant sur des droits incorporels, de sorte qu’elle aurait dû être conclue devant notaire sous peine de nullité. Le contrat de cession est donc déclaré nul.
La cession en cause concernait des donataires « personnes physiques », toutefois une solution identique aurait pu être prononcée, à notre sens, s’il avait été question de donataires « personnes morales ». En effet l’article 902 du CC prévoit que « Toutes personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables », ce qui n’exclue pas les personnes morales. Une telle appréciation a notamment été confirmée par la Cour de Cassation (C. Cass, com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-15.621).
La prudence est donc de mise dans le cadre de cessions de vos droits de propriété intellectuelle, et notamment en cas de cessions intra-groupe pour lesquelles il peut être tentant de s’affranchir d’une cession à titre onéreux. Les équipes de LAVOIX sont à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller dans ces démarches.