L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services couverts par celle-ci (article L.713-1 du Code de la propriété intellectuelle – CPI) qui se caractérise en particulier par le droit d’en interdire l’usage dans la vie des affaires.

Ce droit peut toutefois être limité dans certains cas prévus par la loi, à savoir lorsque l’usage de la marque est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée (article L.713-6 du CPI) et lorsque la marque est utilisée dans des publicités comparatives pour autant qu’elles ne soient pas effectuées en violation des articles L.122-1 à L.122- 7 du code de la consommation (article L.713-3-1 du CPI).

Ces limitations ne s’appliquent toutefois que dans le respect des usages honnêtes en matière industrielle et commerciale.

  1. Usage nécessaire de la marque d’autrui (article L.713-6 du CPI)

Sur la question de l’usage de la marque nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 9 octobre 2020 (FREE / BFM TV et SAS RMC DECOUVERTE),  précise que  » cette utilisation nécessaire de la marque doit être faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, c’est-à-dire, selon la jurisprudence de la CJUE, lorsqu’un tel usage constitue en pratique le seul moyen de fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit ou de ce service « .

Dans les affaires suivantes, dont certaines sont antérieures à l’arrêt précités, ont été considérées comme des utilisations autorisées de marque :

  • L’usage de la marque ROLEX pour la réparation et la vente de montres authentiques est licite [mais le dépôt et l’usage de noms de domaine contenant la marque ROLEX pour permettre l’accès au site commercial de vente et de réparation de montres porte atteinte à cette marque] (TGI de Paris du 5 avril 2018).
  • L’usage de la marque SOLO (protégée pour des fours industriels) par une société RD TECHNOLOGIES « pour désigner expressément des produits commercialisés par elle et destinés à s’adapter à des fours industriels conçus et réalisés par la société SOLO SWISS dès lors qu’il constitue le seul moyen pour fournir au public concerné , particulièrement avis en l’espèce s’agissant d’utilisateurs de fours industriels, une information compréhensible et complète sur le produit concerné, sa destination et sa compatibilité avec les produis visés par la marque en cause », la société RD TECHNOLOGIE apposant en outre « sa propre dénomination sur les produits, ce qui exclut en tant que de besoin tout risque de confusion dans l’esprit du consommateurs » (Cour d’Appel de Paris, arrêt du 28 octobre 2022)

En revanche, sont constitutifs de contrefaçons :

  • L’usage de la marque MICHELIN et de son logo par un site internet de réservation de restaurant car la marque et le logo étaient utilisés à de nombreuses reprises sur le site internet sans justification (Cour d’appel de Paris du 2 avril 2019).
  • La numérisation et l’affichage de catalogues de la société CAMARD sur un site internet et la reproduction de sa marque CAMARD car les consommateurs peuvent croire que le propriétaire du site internet agit sur autorisation de la société CAMARD a autorisé (Cour d’appel de Paris du 1er octobre 2019).
  1. Usage de la marque d’autrui dans une publicité comparative (article L.713-3-1 du CPI).

L’Article L713-3-1, 6°du CPI prévoit l’interdiction de l’usage de la marque d’autrui dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation.

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a confirmé que le titulaire d’une marque enregistré n’est pas habilité à faire interdire l’usage, par un tiers, dans une publicité comparative licite d’une signe identique ou similaire à sa marque (HOLDINGS LTD v HUTCHINSON 3G LTD (C-533/06), 12/06/2008).

En revanche, le titulaire peut faire interdire l’usage de sa marque si la publicité ne satisfait pas à toutes les conditions de licéités énoncés, même lorsqu’il n’existe pas de confusion, à condition que cet usage soit susceptible de porter atteinte à l’une des autres fonctions de la marque (arrêt de la CJUE du 18/06/2009 (L’Oréal v. Bellure (C-487/07)).

a. Illicéité de la publicité comparative

Cette première condition est nécessaire pour pouvoir faire interdire l’usage d’une marque dans une publicité comparative.

Les conditions de licéités de la publicité comparatives sont énoncées aux articles Art L122-1 et Art L122-2 du Code de la consommation (reprenant celles prévues à l’article 4 de la Directive 2006/114/CE) : la publicité comparative doit être (i) non trompeuse, (ii) porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, (iii) comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ; elle ne peut (iv) tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque …/… d’un concurrent, (v) entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques …/…  d’un concurrent, (vi) engendrer de confusion entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques …/… de l’annonceur et ceux d’un concurrent, (vi) présenter des biens ou des services comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service bénéficiant d’une marque ou d’un nom commercial protégé.

Ainsi sera considérée comme illicite une publicité comparative portant sur des éléments secondaires et non représentatifs des produits, ou qui passe sous silence les caractéristiques défavorables, ou qui porte sur des caractéristiques non vérifiables ou tronquées.

b. Atteinte à l’une des autres fonctions de la marque

La seconde condition permettant d’interdire l’usage de la marque dans une publicité comparative est, selon la jurisprudence précitée, le fait que cet usage soit susceptible de porter atteinte à l’une des autres fonctions de la marque (autres que celle de l’indication de la fonction d’origine dont l’atteinte est caractérisée en cas de risque de confusion).

Les autres fonctions de la marque sont identifiées par la jurisprudence, en particulier dans l’’arrêt Bellure de la CJUE du 18 juin 2009 (CJUE, C-487/07 18 juin 2009, Bellure, § 58) : “Parmi ces fonctions figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité.

Précédemment, l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Industrielle indiquait que: “… la fonction d’origine n’est pas, ou n’est plus la seule fonction juridique d’une marque. La marque renferme également le goodwill [l’image de marque] associé à un produit déterminé, rendant ainsi le goodwill facilement transférable au moyen d’une cession ; elle remplit une fonction de garantie en suscitant chez le consommateur une attente que le produit qu’il achète demain aura la même qualité que le produit qu’il a acheté hier, et elle remplit une fonction publicitaire en ce sens qu’elle constitue un bon moyen par lequel les efforts visant à créer une image positive pour un produit peuvent être canalisés” (OHMI, 14 sept. 2000, Unilever, R0436/1999-1, § 17).

Ont ainsi été considérées comme contrefaisant les marques TRESOR et LA VIE EST BELLE de la société SNC LACOME PARFUMS ET BEAUTE ET CIE un dépliant portant sur une offre commercial relative à la vente d’eaux de parfums présentés comme des Fonds de Cuves de Grasse » sous la forme d’un tableau de concordance comprenant de nombreux parfums, dont ceux des marques TRESOR et LA VIE EST BELLE, la publicité étant en outre trompeuse dès lors que SNC LACOME PARFUMS ET BEAUTE ET CIE ne dispose d’aucune unité de fabrication à Grasse (TGI de Paris du 5 avril 2018 ;  voir également le jugement rendu le même jour dans le cadre d’une action formée par S.A. L’OREAL pour contrefaçon des marques ARMANI CODE G. Armani, FUEL FOR LIFE Diesel et MANIFESTO Yves Saint Laurent).

La Cour d’appel de Paris par un arrêt du 24 septembre 2019, dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque engagée par la société POMPES FUNEBRES PASCAL contre la SOCIETE DE DIFFUSION D’ENSEIGNES S.D.E et une pluralité de sociétés intervenant dans le domaine des pompes funèbres, a considéré comme une publicité comparative dénigrante le « message publicitaire selon lequel seules les sociétés du réseau funéraire XXX seraient des « vrais XXX, induit nécessairement que les autres, dont celles se recommandant de la société POMPES FUNEBRES PASCAL, seraient des « faux XXX ».

A été considéré comme une contrefaçon de la marque ALFALIQUID par le tribunal judiciaire de Paris du 12 novembre 2021 , l’usage de la marque ALFALIQUID par un concurrent pour promouvoir des e-liquides (destinés aux cigarettes électroniques) vendus sous sa marque LIQUIDEO, le tribunal considérant toutefois que l’annonce publicitaire « les flacons ALFALIQUID FR4 pas cher (sic) sont remplacés par le FS4 de la marque française LIQUIDEO » ne peut s’analyser en une publicité comparative au sens de la directive 2006/114/CE, « mais bien plus comme l’annonce d’une substitution de produits référencés par la société VAPOTARD » (cette dernière titulaire de la marque ALFALIQUID).

Publié le : 28 juin 2023Catégories : PublicationMots-clés :

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