Comme le dispose l’article 69(1) CBE, « l’étendue de la protection conférée par le brevet européen (…) est déterminée par les revendications ».

Son Protocole interprétatif précise à l’article 2 que « pour la détermination de l’étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications ».

Sur cette base, une jurisprudence nationale s’est développée pour expliciter la notion d’équivalent et établir les règles à satisfaire pour justifier d’une contrefaçon par équivalence. Par exemple, en France, une contrefaçon par équivalence sera reconnue si le moyen de substitution, bien que différent dans sa forme du moyen revendiqué, remplit la même fonction en vue d’un résultat de même nature, la fonction étant nouvelle (voir par ex. C. Cass. com. no 08-14741 du 15 septembre 2009).

L’article 69 CBE et son Protocole interprétatif s’appliquent également à la Juridiction unifiée du brevet (JUB). Toutefois, l’Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (AJUB) ne contient aucune disposition explicitant la notion d’équivalent si bien que c’est la jurisprudence qui définira le test à appliquer pour déterminer si une contrefaçon par équivalence peut être reconnue ou non.

La Division locale de La Haye a été la première à reconnaître une contrefaçon par équivalence dans une affaire opposant Plant-e à Arkyne (UPC_CFI_239/2023, 22 novembre 2024). Comme elle le rappelle dans cette décision, la matérialité de la contrefaçon s’analyse en deux temps.

i. Dans un premier temps, la contrefaçon « littérale » doit être évaluée sur la base des caractéristiques des revendications du brevet au regard de l’interprétation qui aura été faite de ces caractéristiques.

ii. S’il est jugé qu’il n’y a pas de contrefaçon littérale, la contrefaçon par équivalence doit être évaluée dans un second temps (à condition d’avoir été invoquée par les parties).

Dans cette décision, la contrefaçon littérale n’a pas été reconnue et la contrefaçon par équivalence a donc été évaluée sur la base d’un test comprenant les quatre questions suivantes :

  1. Équivalence technique : la variante résout-elle (essentiellement) le même problème que l’invention brevetée et remplit-elle (essentiellement) la même fonction dans ce contexte ?
  2. Protection équitable pour le titulaire du brevet : la protection conférée par la revendication étendue à l’équivalent est-elle proportionnée en vue d’une protection équitable pour le titulaire du brevet ?
    [La question « la manière d’utiliser l’élément équivalent (au moment de la contrefaçon) est-elle évidente pour la personne du métier au regard de la publication du brevet ? » est mentionnée également dans la décision mais non reprise dans le résumé.]
  3. Sécurité juridique raisonnable pour les tiers : la personne du métier comprend-elle, au vu du brevet, que la portée de l’invention est plus large que ce qui est revendiqué littéralement ?
  4. Défense Gillette / Formstein : le produit présumé contrefaisant est-il nouveau et inventif par rapport à l’état de la technique ?

D’après la décision, ce test résulte de la proposition des deux parties au regard de la pratique existant dans différentes juridictions nationales des Etats membres de la JUB. Il apparait cependant que ce test correspond principalement à la pratique néerlandaise ce qui s’explique facilement par la nationalité néerlandaise du titulaire du brevet Plant-e.

A la suite de cette première décision, les Divisions locales de Bruxelles, Mannheim et Paris ont eu également à se prononcer sur une question de contrefaçon par équivalence, toutes concluant à une absence de contrefaçon par équivalence dans leurs affaires respectives (UPC_CFI_376/2023, 17 janvier 2025 ; UPC_CFI_471/2023, 6 juin 2025 ; UPC_CFI_363/2024, 1er août 2025).

Dans ces trois décisions, il est mis en avant que, dans toutes les doctrines des États membres de la JUB en matière d’équivalence, la contrefaçon par équivalence implique nécessairement l’existence d’une équivalence fonctionnelle, c’est-à-dire que le moyen de substitution doit remplir essentiellement la même fonction pour obtenir essentiellement le même effet que le moyen revendiqué et non reproduit.

Par conséquent, si le moyen de substitution ne remplit pas la même fonction que le moyen revendiqué, la contrefaçon par équivalence ne peut être prononcée.

Dans la mesure où les moyens de substitution ne remplissaient pas la même fonction que le moyen revendiqué dans ces trois affaires, il n’a pas été nécessaire de discuter plus avant l’équivalence et aucun test n’a donc été proposé pour l’évaluation de la contrefaçon par équivalence alors que les parties n’étaient pas nécessairement d’accord sur le test à appliquer.

Dans une récente ordonnance de la Division locale de La Haye (UPC_CFI_479/2025, 11 septembre 2025), la contrefaçon par équivalence a été considérée plus probable qu’improbable. Le même test que dans la décision opposant Plant-e à Arkyne a été utilisé pour évaluer la contrefaçon par équivalence du fait de l’accord des parties pour utiliser ce test. Il est cependant intéressant de noter que les juges ont pris soin de justifier la pertinence de chacune des quatre questions posées dans ce test.

Ainsi, la question 1) est justifiée par le fait que, quelle que soit la doctrine considérée, il faut toujours que le moyen de substitution remplisse essentiellement la même fonction que le moyen revendiqué, avec essentiellement le même résultat. Il en va de même de la question 4) relative au caractère nouveau et inventif de l’objet de substitution.

Concernant les questions 2) et 3) relatives à la protection équitable pour le titulaire du brevet et la sécurité juridique des tiers, les juges rappellent que ces principes sont énoncés à l’article premier du Protocole interprétatif de l’article 69 CBE.

Pour résumer, à ce jour, les décisions de première instance en matière de contrefaçon par équivalence sont convergentes.

  • Pour conclure à l’absence de contrefaçon par équivalence, il est suffisant de vérifier que le moyen de substitution ne remplit pas essentiellement la même fonction pour obtenir essentiellement le même effet que le moyen revendiqué et non reproduit.
  • Pour conclure à une contrefaçon par équivalence, il convient de répondre positivement aux quatre questions posées dans le test susmentionné.

Un arrêt de la Cour d’appel est désormais attendu pour confirmer ou non la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrefaçon par équivalence.

Décisions citées :
[1] C. Cass. com. no 08-14741 du 15 septembre 2009
[2] JUB, Division locale de La Haye, 22 novembre 2024, UPC_CFI_239/2023
[3] JUB, Division locale de Bruxelles, 17 janvier 2025, UPC_CFI_376/2023
[4] JUB, Division locale de Mannheim, 6 juin 2025, UPC_CFI_471/2023
[5] JUB, Division locale de Paris, 1er août 2025, UPC_CFI_363/2024
[6] JUB, Division locale de La Haye, 11 septembre 2025, UPC_CFI_479/2025

Publié le : 5 novembre 2025Catégories : Brevets, JUB, PublicationMots-clés :

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