La procédure relative aux principes directeurs UDRP (« Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy ») est une procédure arbitrale initiée auprès du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI permettant aux titulaires de droits de marque de s’opposer à l’enregistrement abusif d’un nom de domaine.

En offrant la possibilité aux titulaires de droits de marques d’obtenir la suppression ou bien le transfert d’un nom de domaine litigieux, cette procédure vise à lutter contre le cybersquatting et d’autres activités frauduleuses impliquant des noms de domaine comme le phishing.

Peu coûteuse et rapide (60 jours à compter du dépôt de la plainte), cette procédure présente en outre un taux de succès important avec des décisions de transfert du nom de domaine litigieux au profit du plaignant dans plus de 80% des cas[1].

A l’ère du numérique, obtenir la fermeture du site internet d’un contrefacteur ou d’un éventuel concurrent peut permettre de paralyser son activité. Dès lors, dans cette perspective, on comprend aisément pourquoi les titulaires de marque sont enclins à s’orienter vers une procédure UDRP.

Pour autant, malgré des avantages significatifs, la plainte UDRP n’a pas vocation à remplacer une action en contrefaçon. Ainsi, et bien que les rejets de plaintes UDRP soient peu nombreux, une part importante d’entre eux témoigne de la confusion manifeste entre ces deux actions dans l’esprit des titulaires de droits.

Pour être recevable, la plainte UDRP doit remplir les trois conditions cumulatives suivantes :

  1. Le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de prêter à confusion à une marque antérieure sur laquelle le plaignant détient des droits ;
  2. Le réservataire du nom de domaine litigieux n’a aucun droit ni intérêt légitime sur ledit nom de domaine ;
  3. Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

La première des trois conditions consiste en une simple comparaison entre la(les) marque(s) du plaignant et le nom de domaine litigieux et n’engendre pas de difficultés particulières.

En revanche, l’existence d’un intérêt légitime ou la bonne foi du réservataire du nom de domaine empêchent fréquemment les experts du Centre d’Arbitrage et de Médiation de rendre une décision favorable de suppression ou de transfert du nom de domaine litigieux, et ce malgré de potentiels faits de contrefaçon de la marque du plaignant comme en témoignent les récentes affaires suivantes :

  • Existence d’un intérêt légitime sur le nom de domaine

Dans une décision du 3 mars 2025, une société allemande, CoachHub GmbH, titulaire de plusieurs marques comprenant le terme « Coachhub » s’est vue refuser le transfert du nom de domaine quasiment identique <coachhubz.com> enregistré par une personne physique domiciliée en Australie et l’utilisant pour une application « permettant aux personnes à la recherche d’un entraîneur sportif adapté d’identifier et de contacter un entraîneur sportif susceptible de répondre à leurs besoins ». Ainsi, malgré la marque australienne COACHHUB No.2217172 de la plaignante enregistrée pour des produits et services en apparence similaires à l’activité exercée par le réservataire du nom de domaine <coachhubz.com>, l’OMPI a rejeté la plainte en estimant que ledit réservataire disposait d’un intérêt légitime sur le nom de domaine en ce qu’il exerçait une activité commerciale de bonne foi. Les experts se réfèrent à l’activité réelle des deux parties en indiquant que « rien ne suggère que le site web du réservataire soit fallacieux. […] qu’il donnait la fausse impression qu’il s’agissait du site Web officiel de la plaignante ou qu’il cherchait à détourner les clients de la plaignante vers le réservataire. Dans ce contexte, le panel d’experts note que les activités de la plaignante et celles du réservataire sont très différentes ».
(OMPI, Case No.D2025-0095, <coachhubz.com>).

Dans une décision rendue le 12 juillet 2025, la société indienne, Reliance Industries Limited, titulaire d’un portefeuille d’environ 1400 marques dans le monde composées du terme « RELIANCE » dont la renommée est notamment reconnue en Inde s’est vue refuser le transfert du nom de domaine <reliancewood.com>. Ce nom de domaine enregistré par une autre société indienne, Reliance Wood Industries, était pourtant utilisé pour une activité dans le domaine de l’industrie du bois et de l’emballage jugée par l’expert concurrente à celle de la plaignante. Tout en estimant improbable que le défendeur n’ait pas eu connaissance de l’existence de la plaignante et en considérant que le nom de domaine a probablement été enregistré et utilisé de mauvaise foi en ciblant la marque de la plaignante de manière à « créer un risque de confusion » avec celle-ci, l’expert estime pourtant que le réservataire qui « utilisait depuis plus de quinze ans le nom de domaine pour une activité commerciale indépendante et continue » disposait d’un intérêt légitime sur le nom de domaine.
(OMPI, Case No.2025-1615, <reliancewood.com>).

  • Enregistrement et/ou usage de bonne foi du nom de domaine.

Dans une décision rendue le 2 juin 2025, une société américaine s’est vue refuser le transfert du nom de domaine <fairwell.com> renvoyant vers un site actif destiné au public américain. Dans cette décision, l’expert relève pourtant que ce nom de domaine est identique à la marque américaine de la plaignante FAIRWELL No.5,590,912 et que « les services du réservataire recoupent largement ceux de la plaignante ». L’expert retient pourtant la bonne foi du réservataire du nom de domaine en relevant qu’il n’y a pas suffisamment de preuves démontrant que celui-ci a ciblé la marque de la plaignante lorsqu’il a acquis le nom de domaine. Il motive sa décision en indiquant que « la plaignante, basée dans le Minnesota, n’a pas fourni de preuves de l’étendue géographique de ses activités réelles ni de l’ampleur de la publicité faite autour de la marque.  Le défendeur est basé en Floride, à plus de mille kilomètres de la plaignante ». Ainsi, le réservataire ne connaissait pas la marque de la plaignante lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
(OMPI, Case No.D2025-1096, <fairwell.com>).

Dans une décision du 14 février 2025, une société allemande HYDAC Technology GmbH spécialisée notamment dans les systèmes de climatisation, titulaire de plusieurs marques « HYDAC » parmi lesquelles une marque indienne HYDAC No.510465, s’est vue refuser le transfert du nom de domaine <hydacservice.com>. Ce nom de domaine, enregistré par une société Indienne, renvoyait pourtant vers un site actif proposant « des services similaires à ceux de la plaignante, notamment des services de réparation dans le domaine de la climatisation ». Pour retenir la bonne foi du réservataire du nom de domaine litigieux, l’expert relève que « le choix des termes « hyd » et « ac », qui proviennent respectivement de son lieu d’activité [Hyderabad] et de la nature de son entreprise [services de climatisation « AC services »] », est un choix qui a été fait dans un « sens descriptif ». Ainsi selon l’expert, le réservataire n’a pas ciblé la marque de la plaignante ni tenté de créer une confusion avec son activité mais exerçait via son nom de domaine une activité commerciale de bonne foi.
(OMPI, Case No.D2024-4947, <hydacservice.com>)

Conclusion

Une contrefaçon de marque sur internet peut parfaitement exister sans qu’un acte de cybersquatting soit pour autant caractérisé. C’est ce que les experts du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI rappellent clairement dans les affaires précitées. Ils précisent volontiers qu’ils n’ont pas compétence pour se prononcer en matière de contrefaçon des droits de marque du plaignant et que les actes de contrefaçon doivent être jugés par d’autres instances, notamment judiciaires.

Ainsi, pour aussi attractive que soit la procédure UDRP, plus rapide et économique, les critères qui la régissent ne sont pas les mêmes que ceux à mis en œuvre dans une procédure en contrefaçon. Une procédure UDRP ne peut donc constituer un palliatif à une action en contrefaçon.

Les équipes Lavoix restent à votre disposition pour vous conseiller sur la protection de vos marques sur internet en :

  • Mettant en place une surveillance en matière de nom de domaine ;
  • Vous accompagnant dans vos plaintes UDRP.

[1] https://www.wipo.int/amc/en/domains/caseload.html#:~:text=These%20case%20numbers%20show%20that,the%20UDRP%20and%20national%20variations.

Publié le : 22 septembre 2025Catégories : IP Alert Marque, Marques, PublicationMots-clés :

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