Lavoix vous présente une revue de décisions rendues en matière de marques pharmaceutiques et modèles par les instances françaises et de l’Union Européenne.
I. Marques
A. Conditions de validité
Pour être protégeable, une marque doit être distinctive, licite et disponible. Nous examinons ci-après un certain nombre de décisions ayant rejeté des marques non conformes aux dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle et au Règlement sur la marque de l’Union Européenne.
1. Marque dépourvue de caractère distinctif
La marque WE SEE MORE, TOGETHER appliquée notamment à des « produits pharmaceutiques à usage ophtalmologique » et « Systèmes d’administration de médicaments, à savoir un inséreur pour l’injection intra vitréenne d’un micro-implant » n’est pas distinctive car elle sera directement associé par le public pertinent à un message promotionnel, notamment en ce qui concerne les traitements des troubles et maladies de l’œil et, du fait de son lien direct avec les produits visés, elle ne peut être considéré comme fournissant une indication sur l’origine commerciale de ces produits (EUIPO, 23 janvier 2023).
2. Signe ne pouvant constituer une marque
Cette marque tridimensionnelle n’est pas distinctive pour désigner des « Coussins médicaux pour les femmes enceintes et les nouvelles mères ; aides pour faciliter l’allaitement »car sa représentation renvoie à la forme cylindrique traditionnelle d’un traversin de maternité (EUIPO, 16 juin 2022).
3. Marque descriptive
La marque STRESS-CONTROL désignant notamment des « substances diététiques à usage médical, compléments nutritionnels à usage médial, préparations de vitamines, boissons diététiques à usage médical, tisanes, thé médicinal, suppléments alimentaires minéraux » a été déclarée nulle pour défaut de caractère distinctif, rendant ainsi mal fondée la demande en contrefaçon sur laquelle celle-ci était basée (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 3 juin 2022, n°20/18686), les termes qui la composent étant en effet fréquemment utilisés dans la langue française et aisément appréhendés par le public français, si bien que ce dernier établira inéluctablement un lien direct entre cette dénomination et le résultat des produits qu’elle désigne, à savoir aider à contrôler le stress.
La marque ICEBOX a été rejetée pour les produits et services des classes 1, 10 et 11 (notamment pour des produits chimiques réfrigérés, des appareils et dispositifs médicaux utilisés dans le cadre de rééducation médicale et des services de médecine alternative et/ou cryothérapie au motif que le public concerné, qui est composé de professionnels, dont l’attention sera plus élevée que la moyenne percevra ce signe comme renvoyant directement au terme « glacière » et à une caractéristique des produits et services revendiqués, à savoir l’espèce et la destination (EUIPO, 24 avril 2023).
La marque BodyLog couvrant des « Pouls mètres ; appareils et instruments médicaux pour surveiller la saturation en oxygène du sang ; appareils de mesure de la pression artérielle ; moniteurs de fréquence du pouls ; enregistreurs d’électrocardiogramme ; moniteurs de concentration d’oxygène à usage médical ; moniteurs de respiration ; moniteurs d’oxygène à usage médical ; appareils et instruments médicaux ; appareils de surveillance du diabète ; dispositifs de mesure de la glycémie ; thermomètres à usage médical ; moniteurs cardiaques à porter pendant l’exercice physique » a été rejetée car elle est perçue par le public anglophone comme décrivant la fonction de ces produits, à savoir permettre l’enregistrement d’informations sur le corps humain (EUIPO, 26 avril 2023 )
De même ont été rejetées pour caractère descriptif la marque CHECK-FLO pour des «Dispositifs médicaux utilisés dans les procédures vasculaires, urologiques, de radiologie interventionnelle et d’endoscopie, à savoir les introducteurs et les ensembles d’introducteurs, les ensembles d’hémostase, les adaptateurs auto-obturants. », car le public de professionnel de la médecine anglophone l’associera à des produits visant à examiner ou vérifier l’écoulement d’un fluide ou d’un gaz qui traverse un organe ou une partie d’un organe dans un temps donné (EUIPO, 26 avril 2023) et la marque BRIGHT pour des « implants dentaires » le public anglophone pouvant associer ce terme à la notion de « poli, brillant », l’informant ainsi sur la nature des produits visés (EUIPO, 25 avril 2023).
4. Marque trompeuse
La marque TOPPHARM POWER BY NATURE a été jugée trompeuse pour des produits non à usage médical (tels que les compléments et aliments diététiques, autres qu’à usage médical) au motif qu’elle amène le consommateur à penser que les produits visés relèvent du monopole pharmaceutique, ce qui n’est pas nécessairement le cas (INPI, 7 mars 2023).
Une décision similaire avait également été rendue par, à l’égard de la marque BELLAMEDICA visant en classe 5 des « Cosmétiques; parfums; préparations cosmétiques pour soins de la peau; rouges à lèvres; masques de beauté ; compléments alimentaires diététiques » car le terme « médica » sous-entend que les produits visés sont élaborés sous contrôle médical ou à usage médical, alors même que ces produits ne peuvent pas, par nature, être à usage médical (INPI, le 23 février 2023).
5. Marque exclue de l’enregistrement en application de l’article 6 ter de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle » (emblèmes d’État, signes officiels de contrôle et emblèmes d’organisations intergouvernementales)
La marque figurative a été provisoirement refusée car elle comporte un élément figuratif représentant le drapeau de la Suisse suggérant que les produits désignés proviennent de l’Etat concerné ou qu’ils sont cautionnés par celui-ci et qu’il convenait donc de s’assurer que le titulaire avait bien obtenu l’autorisation d’une autorité/organisation compétente en Suisse pour enregistrer cette marque (EUIPO, 26 janvier 2023).
6. Marque contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs
La marque désignant notamment des « Produits pharmaceutiques; aliments et substances diététiques à usage médical aliments pour bébés; compléments alimentaires » est refusée par l’INPI car contraire à l’ordre public dans la mesure où l’usage du terme « CANNA » dans ce signe, renvoyant au cannabis, peut laisser penser au public que l’interdit de production, fabrication… de telles substances stupéfiantes est levé et que ce terme vise à valoriser ces dernières (INPI, 18 janvier 2023).
La marque PROTEIN MAFIA en classe 5, 25 et 41 a été refusée pour atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs car le consommateur moyen de l’Union européenne notamment italien, associera ce signe à la mafia, au crime organisé et minimise donc et fait la promotion ou banalise les actes criminels associés au terme Mafia (EUIPO, 25 avril 2023).
7. Marque déposée de mauvaise foi
7.1. Le dépôt de la marque « SORTEZ COUVERTS ! » pour des préservatifs en classe 10 par le laboratoire pharmaceutique MAJORELLE a été jugé comme effectué de mauvaise foi car cette société ne pouvait ignorer l’usage du slogan « Sortez couverts ! » réalisé depuis les années 1990 par un journaliste au cours de ses émissions de télévision et de radio et par la société POLIDIS qui proposait avec ce dernier des préservatifs à un franc dans une campagne de lutte contre le sida.
Ainsi, la Cour d’appel retient « l’intention patente » de la société MAJORELLE de faire obstacle à l’exploitation du signe par le journalise et la société POLIDIS, et le fait que cette société ait réservé quinze noms de domaine reprenant cette expression (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 5 octobre 2022, n°21/04997).
7.2. En revanche, le dépôt d’une marque tridimensionnelle représentant la forme de boîtes hexagonales par la société RECORDATI n’avait pas été effectué en fraude des droits de l’agence de communication et d’identité visuelle ALLIAS à laquelle elle avait commandé la réalisation de plaquettes de présentation de médicaments et la refonte de l’emballage de sept de ses médicaments dès lors que cet emballage n’avait pas vocation à être exploité par la société Alias mais qu’il devait uniquement être utilisé pour commercialiser les produits de la société Recordati.
Le travail de conception et de création de la société Alias n’avait donc pas été accaparé, puisque que cette dernière a été rémunérée dans le cadre de ce travail qui résultait d’une commande passée par la société Recordati. Le défaut d’information sur le dépôt de cette marque ou encore le maintien des relations commerciales entre les parties ne sauraient permettre de caractériser une fraude de la société Recordati dans ce dépôt (Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 2, 14 avril 2023, n°21/09779).
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