La marque ombrelle est une notion issue du domaine du marketing que le droit des marques s’est approprié.
Il s’agit d’une marque unique utilisée par une entreprise pour commercialiser ses gammes de produits et services, facilitant ainsi la reconnaissance de leur origine par les consommateurs.
Bien que tentante d’un point de vue marketing, la présence de votre marque ombrelle au sein d’une marque composée pour la différencier d’autres marques ne constitue pas à coup sûr une solution efficace, ainsi qu’il en résulte de la jurisprudence constante exposée ci-dessous.
En 2005, dans une affaire mettant en cause une marque première LIFE et une marque seconde THOMSON LIFE, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a retenu un risque de confusion entre ces marques, au motif qu’ « Il n’est nullement exclu que, dans un cas particulier, une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, sans pour autant en constituer l’élément dominant ». Par conséquent, « aux fins de la constatation d’un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l’origine des produits ou des services couverts par le signe composé » (CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 30 et 36).
En 2014, la CJUE précise la notion de position distinctive autonome en indiquant qu’ « un élément d’un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément » (CJUE, 8 mai 2014, C-591/12, Bimbo §25).
Cette règle prétorienne de « position distinctive autonome » a encore trouvé à s’appliquer récemment en 2023. Le Tribunal judiciaire de Paris, amené à apprécier la similitude entre les marques DIVINE et GAULTIER DIVINE qui couvraient des produits identiques, a considéré que « L’absence de combinaison de sens entre les deux mots [GAULTIER] et Divine, la mise en valeur prépondérante de Divine sur les représentations contestées versées aux débats, son pouvoir distinctif intrinsèque et le fait que [GAULTIER] soit également une marque ombrelle font que ce mot [DIVINE] conserve une position distinctive autonome dans le signe. Or, la marque antérieure et ce signe doté d’une position distinctive autonome sont identiques. ». Le Tribunal a donc conclu que les marques DIVINE et GAULTIER DIVINE sont bien similaires, rendant ainsi l’adjonction du nom bien connu « GAULTIER » inopérante pour écarter le risque de confusion (TJ Paris, 1 décembre 2023, 23/11158, Gaultier Divine, §44 et 45).
A l’inverse, lors de la comparaison de la marque UN RENDEZ-VOUS avec la marque antérieure LES RENDEZ-VOUS DE BILLECART-SALMON, (BILLECART-SALMON étant la marque ombrelle de la société titulaire), l’INPI a estimé que « la marque antérieure, prise dans son ensemble, forme une expression ayant un sens propre, en ce qu’elle renvoie à des rendez-vous en particulier, à savoir ceux de Billecart-Salmon, alors que le signe contesté désigne la notion de rendez-vous de manière générale. (…) De plus, le terme RENDEZ-VOUS apparaît fondu dans une expression ayant une signification particulière, comme précédemment relevée. ». L’Institut conclut à l’absence de risque de confusion entre ces marques, la marque ombrelle étant placée dans un signe qui, pris dans son ensemble, a une signification (INPI, 23 octobre 2023, OPP 23-1695).
Au-delà de la notion de « position distinctive autonome », les instances françaises et de l’Union européenne ont tendance à considérer que la présence d’une marque ombrelle au sein d’une marque composée n’est pas en soi de nature à écarter la similitude des signes.
Ainsi, lors de l’examen des marques LONGINES DOLCE VITA et LA DOLCE VITA, l’EUIPO a retenu la similitude des signes en indiquant notamment que « les différences entre les signes ne sont pas suffisamment importantes pour éliminer ce risque, étant donné que le terme « Longines » de la marque antérieure peut simplement être perçu comme la marque ombrelle de l’opposant (…) » (EUIPO, 20 mars 2025, Opposition no. B 3 192 490, traduction libre).
De la même façon, pour affirmer que les termes « HAPPY HOUR » de la marque composée sont essentiels dans cette marque, l’INPI a retenu que « les termes CHRISTIAN DIOR sont présentés sur des lignes inférieures et en caractères de plus petite taille, et sont susceptibles d’être perçus comme une marque « ombrelle ». L’éventuelle notoriété de ces éléments CHRISTIAN DIOR dont se prévaut la déposante n’est pas de nature à écarter cette perception, confortant au contraire la compréhension de ces éléments dans le sens précité ». L’Institut a donc conclu que le signe HOPPY HOUR COSMETICS est similaire à la marque HAPPY HOUR de Christian Dior (INPI, 4 novembre 2021, OPP 21-0826).
Dans ces deux cas d’espèce, ces décisions ont été favorables aux titulaires des marques composées comprenant leur marque ombrelle qui, fort heureusement, étaient antérieures. Toutefois, si ces marques composées avaient été postérieures, la présence de la marque ombrelle n’aurait pas permis d’écarter le risque de confusion.
Conclusion
Si l’adjonction au sein d’un signe composé d’une marque ombrelle permet en pratique de diminuer les risques de réclamation de titulaires de marques antérieures, cela ne permet pas pour autant d’écarter tout risque de confusion et donc d’exclure tout risque juridique.
Les équipes LAVOIX restent à votre disposition pour vous conseiller sur la protection de vos marques.